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Montréal, le 10 septembre 2020 - À l’approche du terme de son séjour à Montréal, ‘Abdu’l-Bahá passa un dimanche tranquille à l'hôtel Windsor. Il y donna des allocutions le matin et l’après-midi. S'adressant à ses amis en cette dernière journée à Montréal, il dit : « J'ai semé les grains. Vous devez les arroser. Vous devez éduquer les âmes dans la morale divine, les rendre spirituelles et les guider vers l'unité de l'humanité et la paix universelle. » 

Le lendemain fut une autre journée pluvieuse, mais le départ de ‘Abdu’l-Bahá pour Toronto (en route vers Buffalo) avait déjà été organisé. On demanda à Maḥmúd, le chroniqueur de ‘Abdu’l-Bahá, de s’occuper des bagages du Maître, mais c’est le personnel de l'hôtel qui s’en chargea. ‘Abdu’l-Bahá exprima son inquiétude à Maḥmúd parce que ses bagages contenaient des écrits et des documents précieux qu'il avait l'intention d’offrir à des « bibliothèques de Londres et de Paris. »  Comme tous devaient l’apprendre plus tard, à la gare du Grand Trunk Railway (aujourd'hui le Canadien Pacifique), l'inspecteur-chef de la douane et ses assistants laissèrent passer les bagages sans aucune inspection, affirmant qu'ils n'avaient aucune raison d’inspecter les bagages des bahá'ís. À cette déclaration, le visage du Maître s’épanouit comme une rose, et il parla de la valeur de la sincérité et de la loyauté, qui sont la source de la prospérité et de la quiétude des peuples du monde.  

Il n’y a aucun doute que la visite de ‘Abdu’l-Bahá toucha un beaucoup plus grand nombre de personnes que les 2 500 qui vinrent l’entendre ou qui entrèrent en contact avec lui. Quelque 440 000 lecteurs de la dynamique presse montréalaise, en anglais et en français, furent informés de sa visite et de ses enseignements.

Laissant derrière lui l’émotion des nombreuses personnes venues lui dire adieu, 'Abdu'l-Bahá monta dans l’International Limited qui quitta la gare Bonaventure à 9 h 05 à destination de Toronto, puis de Buffalo (New York).

C’est dans l’après-midi du 9 septembre 1912 que Jim, un petit garçon de quatre ans, assis sur une clôture juste à l’extérieur de la ville d’Oshawa, en Ontario, le long des voies ferrées, regardait un train passer. Vers 15 h 30, il a vu à travers l’une de ses fenêtres quelque chose qui l’a tellement ému qu’il est tombé à l’envers de la clôture et sur l’herbe en contrebas. Il a décrit ce qu’il considérait comme « un homme portant un long habit élégant blanc lui faisant signe de la main. » Plus tard dans la vie, il expliquerait que c’était son premier souvenir survivant. « Maintenant, je sais qui était ce vieil homme », dit-il. « c'était 'Abdu’l-Bahá quand il était dans ce pays. » Il avait fallu des décennies à Jim Loft pour faire le lien. Le 23 octobre 1931, Jim épousa Melba Whetung, qui a grandi dans la Première nation d’Ojibwa, à Curve Lake. Comme Jim, elle s’intéressait beaucoup aux sujets spirituels. C’est l’amie de Melba, Emma, qui lui a parlé pour la première fois de Bahá’u’lláh et d’Abdu’l-Bahá. La maison ancestrale de Jim Loft était le territoire mohawk de Tyendinaga, mais il a grandi à Oshawa, en Ontario. Il a été grandement touché par les préjugés qu’il a rencontrés en grandissant chez un Autochtone dans les régions rurales du Canada. Bien qu’immergé dans une société qui avait peu de considération pour lui, Jim croyait dès l’enfance que l’égalité raciale était un principe juste, et il a plus tard noté qu’il se sentait un fort attrait pour les questions spirituelles. Pendant ses années d’adolescence difficiles, il demandait souvent l’aide de Dieu pour l’inspirer pour aider à soulager la pauvreté, l’oppression et l’alcoolisme qui affligeaient son peuple. 

En 1949, Jim et Melba se sont installés dans la réserve de Tyendinaga et se sont consacrés au service et au soutien de la communauté des Premières nations. Pour Jim, le souvenir de l’homme vêtu d’une robe blanche qui lui faisait signe depuis le train l’a inspiré jusqu’à son dernier jour. C’était l’idée de Jim de retourner à Tyendinaga et d’enseigner la foi. Le 2 septembre 1948, Jim écrivit à Shoghi Effendi pour se présenter et lui demander s’il devait retourner au Canada. Ils vivaient alors à Marysville, Michigan. Le 2 octobre 1948, Jim a reçu une réponse écrite par l’épouse de Shoghi Effendi, ‘Amatu’l-Bahá Rúhíyyih Khánum, dans laquelle elle a déclaré que Shoghi Effendi vous souhaite « la cordiale bienvenue à votre retour dans votre propre tribu »… . La lettre avait un addendum avec l’écriture de Shoghi Effendi dans lequel il a déclaré: 

« Votre lettre la plus bienvenue a réjoui mon cœur et je m'empresse de vous assurer d'un accueil très chaleureux dans la famille bahá'íe ... Que le Bien-aimé vous bénisse, vous protège et vous soutienne toujours et vous aide à réaliser le désir de votre cœur. Votre vrai frère, Shoghi. » 

Jim et Melba, les premiers croyants autochtones du Canada, étaient très actifs dans la communauté bahá’íe en Ontario. Ils ont assisté à des conférences régionales ainsi qu’à des conventions nationales. Cependant, tout en subissant l’extrême pauvreté pendant cette période, ils se sont soutenus par leur Foi et ont demandé des conseils à nouveau à Shoghi Effendi. Sa réponse a été pour eux de demander les conseils de l’Assemblée spirituelle nationale et qu’ils trouveraient, nous l’espérons, du travail pour soutenir la famille qui leur permettrait de rester dans leur communauté. 

En 1971, Jim et Melba ont célébré leur quarantième anniversaire de mariage. Deux ans plus tard, Jim meurt d’une crise cardiaque à l’âge de 65 ans. C’est Jim qui a apporté le renouvellement des enseignements du Pacificateur à travers Bahá’u’lláh au lieu de naissance du ce dernier, la communauté de Tyendinaga ; c’était un acte d’honneur et de sacrifice que seul Jim aurait pu accomplir.

En 1976, Melba est allé en pèlerinage au Centre mondial bahá’í à Haïfa, en Israël. L’un des moments forts de son voyage a été la visite à manoir de Bahji où Bahá’u’lláh a vécu pendant les dernières années de sa vie. Là, ses regardes ont été figés sur une photo de la première Assemblée spirituelle locale amérindienne aux États-Unis qui avait été formé en 1948 sur la réserve indienne d’Omaha près de Macy, Nebraska. La photo avait été placée là par Shoghi Effendi à l’entrée de sa chambre.

La bel esprit de Melba focalisé sur le progrès de la Cause l’a conduit à de nombreuses réalisations. Les voyages et l’enseignement de Melba ne se limitaient pas à l’Amérique du Nord. Elle a également voyagé à l’été 1978 en Europe avec une équipe d’enseignants bahá’ís. Elle a été honorée à bien des égards, dont l’une était l’utilisation de son nom indien ou spirituel pour la salle de rassemblement du Centre bahá’í du Yukon. Son nom spirituel était Kinaaj-Kwe qui peut être traduit comme une bonne, gentille et gracieuse dame. Le 22 novembre 1985, le matin, l’esprit de Melba prend son envol après une longue maladie. Lors de ses funérailles, le chef Earl Hill, chef de la Première nation Tyendinaga, était un des porteurs du cercueil. 

En 1986, un conseil autochtone s’est tenu à Iqaluit, au Nunavut. Une cérémonie spéciale a honoré la mémoire et la vie de Melba. ‘Amatu’l-Bahá Rúhiyyih Khánum a assisté et a déclaré qu’elle a trouvé la cérémonie la partie la plus émouvante de l’occasion, qui a unifié tous ceux qui étaient présents. Lors de la réunion, elle a exhorté les Autochtones à rester en contact avec la culture et la tradition comme le fondement de la foi de même manière que Melba l’avait fait. Melba a été enterré à côté de Jim. L’inscription sur leur pierre tombale se lit comme suit : « Pionniers de la foi bahá’íe, Alfred « Jim » Loft 1908-1973, Melba Whetung Loft 1912-1985, les serviteurs obéissants du Guardian. » Jeannie Seddon, une amie des Lofts, a écrit à propos de Jim : « C’est un héros canadien dont la vie sera une source d’inspiration pour les générations futures comme elle l’a été pour sa famille. » 

Images:

Golgasht Mossafá’í, -Melba Loft à Londres, Royaume-Uni - été 1978 avec un ami de l’équipe pédagogique bahá’íe.

© Bahá’í World, 1948 - Jim Loft

-Les membres de l'Assemblée spirituelle locale entièrement autochtone de Macy, Nebraska, sur la réserve de Winnebago affichent fièrement le plus grand nom. Photo gracieuseté de Susan Bishop 

Sources :

-Mossafai , Golgasht : notes personnel, « Interview avec Melba Loft »: Londres, Royaume-Uni: Harrow Times Newspaper, 1978.

-Mossafai , Golgasht : scénario « ‘Abdu’l-Bahá, Son Séjour à Montréal »

-Mossafai , Golgasht : Bahá’í Chronicles article sur Alfred et Melba Loft

-Loft Watts, Evelyn and Verge, Patricia « Return to Tyendinaga: The Story of Jim and Melba Loft, Bahá’í Pioneers », Essex, Maryland: One Voice Press, 2011

-The Bahá’í World, Kidlington, Oxford: George Ronald Publisher. Volume XVI et XIX

-Mahmúd Diary, volume 1 en persan, 1914

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