Les groupes de jeunes

Pour les bahá’ís, la jeunesse est une période cruciale, dotée d’un grand potentiel. En effet, dans l’histoire de la foi bahá'íe, les jeunes ont toujours été à l’avant-garde de tous les événements importants. Depuis la naissance de cette foi, les jeunes jouent un rôle exceptionnel en tant que champions et enseignants. Le Báb n’avait que vingt-cinq ans quand il a déclaré sa mission. ‘Abdu’l-Bahá a servi son père, Bahá’u’lláh, dès son plus jeune âge. Shoghi Effendi était encore étudiant quand il a eu à assumer ses responsabilités comme Gardien de la Foi, à l’âge de vingt-deux ans. De plus, de nombreux jeunes se sont sacrifiés comme martyrs et enseignants de la Cause.

On ne peut faire de liste précise des activités des jeunes bahá’ís, mais ils accomplissent beaucoup de choses. Qu’il s’agisse de faire un séjour à l’étranger pour aider une communauté à se bâtir un avenir durable, d’enseigner à des enfants les principes de base de la moralité dans des écoles communautaires, ou simplement de nettoyer un parc au milieu d’une grande ville, les jeunes membres de la communauté bahá’íe sont encouragés à assumer la responsabilité de leur propre progrès tout en contribuant du mieux qu’ils peuvent au bien-être de tous. Ils sont nombreux à choisir de consacrer une année entière à quelque forme de service à l’humanité, appelée « année de service ». Ils font alors l’expérience d’une vie empreinte de générosité, qu’ils y consacrent leur temps, leur énergie, leur cœur ou leurs ressources.

Comme tous les membres de la communauté, les jeunes bahá’ís contribuent activement aux processus de prise de décisions. Ils comprennent que leurs propres efforts ont une plus grande portée lorsqu’ils se conjuguent à l’expérience et au succès d’autres personnes. C’est pourquoi ils cherchent à maximiser les retombées de leurs activités en encadrant leur créativité dans des projets cohérents et structurés.

La communauté bahá’íe encouragent les jeunes parmi ses membres en leur confiant de véritables responsabilités dans la gestion de ses affaires et en les impliquant pleinement dans des objectifs communs. Chaque bahá’í, peu importe son âge, apprend à écouter les autres et à profiter de leur expérience et de leur savoir; tous ont véritablement le sentiment d’avancer ensemble, avec la même motivation, qui est l’amour de l’humanité.

La communauté bahá’íe accorde beaucoup d’importance à l’éducation morale et spirituelle des enfants et des jeunes, et se préoccupe tout particulièrement de leur fournir constamment des occasions de développer un sentiment de citoyenneté mondiale et un engagement permanent à servir l’humanité.

 

Le groupe de jeunes de Montréal — une révolution identitaire

Tiré de « Bahá’í Canada » publié le : 2018/07/30

Le groupe de jeunes de Montréal en 1932. À l’arrière, de gauche à droite: Eddie Elliot, Walter Lohse, Emeric Sala, Norman McGregor, Tom Lee et Edward Lindstrom. Deuxième rangée, de gauche à droite: Ruth Cunningham lee, Rosemary Sala, Alberta Sims Dubin, Ilse Lohse, Bahiyyih Lindstrom et Dorothy Wade. De gauche à droite : Henry Bergholtz, Mary Maxwell, Glen Wade et Lorris Dear. Photo: Service canadien des archives bahá’íes

 ‘Abdu’l-Bahá rassemble les âmes

La visite de ‘Abdu’l-Bahá à Montréal a eu pour effet de créer, parmi les bahá’ís de cette ville, le sentiment d’appartenir à une même communauté. À partir de quelques Bahá’ís occasionnels, n’ayant pas de relations étroites entre eux, s’est formé un groupe collectivement engagé à transmettre au public ce qu’il comprenait des principes sociaux bahá’ís au sujet de l’amitié interraciale, de l’ordre mondial et de l’administration bahá’íe, tout en attirant dans ses rangs des gens de divers milieux. La communauté bahá’íe de Montréal est devenue un porte-étendard, ouvrant la marche pour de nombreuses autres communautés bahá’íes du Canada.

Si on examine de près la situation à Montréal avant le séjour de ‘Abdu’l-Bahá, on voit que plusieurs des bahá’ís étaient très actifs dans la vie de la société montréalaise et que plusieurs y contribuaient de façon significative — s’attirant parfois l’attention et les louanges des médias — et que le fait d’être bahá’í n’était qu’un autre aspect d’une identité bien établie. Quand ‘Abdu’l-Bahá est venu à Montréal en 1912, ces croyants et quelques autres étaient perçus comme faisant partie de la « vieille génération ». Quelques-uns sont disparus ou se sont éloignés des bahá’ís.

Cette année là, de la fin d’août au début de septembre, la ville fut bénie par le séjour de neuf jours de ‘Abdul’-Bahá, qu’avait organisé May Maxwell. De précieux moments ont été vécus à cette occasion par les quelques personnes qui participaient encore aux activités de la Foi. Naturellement, la présence de ‘Abdul’-Bahá a beaucoup suscité d’intérêt, non seulement de la part des bahá’ís, mais aussi de celle du public. Le Maître s’est déplacé dans la ville et a parlé dans des églises et des salles publiques, s’adressant à des gens de tous les milieux, et leur faisant connaître les enseignements de son père. À cette époque il y avait plus de femmes bahá’íes que d’hommes et certaines des croyantes, dont notamment Elizabeth Cowles, ont demandé à ‘Abdu’l-Bahá de prier pour que leur mari accepte aussi la nouvelle révélation.

Dorothy Ward, une autre croyante de cette époque était née en Angleterre. À dix-sept ans, elle avait épousé un veuf qui était père d’un bébé de six mois. Le couple a immigré au Canada en 1910, et c’est par les propriétaires d’un restaurant de Montréal, qu’ils ont entendu parler de la foi bahá’íe la première fois. Au début, Dorothy hésitait à accepter l’invitation des propriétaires du restaurant de rendre visite à May Maxwell, mais elle a finalement décidé de le faire. Elle s’intéressait aux personnes qu’elle y rencontrait et non à la religion bahá’íe, et pensait que tous ces gens étaient extraordinaires, mais elle était tellement fascinée par eux, qu’elle est finalement devenue bahá’íe. Sa fille, Dorothy Wade est devenue une grande amie de Mary Maxwell, et faisait partie du groupe de jeunes de Montréal.

Le groupe de jeunes de Montréal réimagine l’identité bahá’íe

En 1923, dans sa première lettre au Canada, Shoghi Effendi disait du Canada, qu’il était un pays « grand et prospère » et que sa population était « encline à la spiritualité ». Le Gardien disait aussi que le peuple canadien était « enraciné dans son sectarisme religieux et fortement attaché à ses doctrines et traditions religieuses ».

Il a ensuite décrit le mandat spirituel des bahá’ís envers la société canadienne et comment ils pourraient « anéantir toutes ces barrières de préjugés et d’exclusivité religieuse ». Il a, plus particulièrement, insisté sur le fait que « le courage et la persévérance, la bonté et la sagesse » seraient nécessaires à la conquête de « cette forteresse de la croyance sectaire ». Par ses lettres sur l’Ordre mondial, le Gardien a aussi élargi la vision des bahá’ís, partout dans le monde.

Rosemary et Emeric Sala. Photo contribuée par Ilona Weinstein.

Ces lettres et la vision qu’elles dépeignaient ont été reçues avec enthousiasme par les membres du groupe de jeunes de Montréal[1]. En 1927, le groupe qui s’était récemment formé, un des premiers en Amérique du Nord, répondit avec un amour et un zèle qui allaient emporter ses membres bien au-delà des limites de la communauté bahá’íe de Montréal. Jusqu’alors, sauf quelques exceptions comme May Maxwell, qui percevait la vision plus large, la communauté était limitée quant au nombre de ses membres et à leur tempérament, et même quant à leur attachement à la foi bahá’íe. La formation d’un groupe de jeunes à Montréal allait changer la perspective des nouveaux bahá’ís sur leur relation avec la foi bahá’íe et la communauté, et allait inévitablement changer les façons d’enseigner la Cause[2]. [traduction]

Durant les derniers jours du Congrès national de 1927, à Montréal, un jeune bahá’í nommé Rowland Estall avait joint les rangs de la communauté bahá’íe. Après un été passé comme radiotélégraphiste sur des navires circulant sur le Saint-Laurent, il décida de s’inscrire au Collège Sir George Williams (aujourd’hui l’Université Concordia). Trouvant le point de vue offert par la foi bahá’íe « beaucoup plus convaincant » que le programme universitaire de première année en sciences humaines, il fit équipe avec un autre jeune homme, Emeric Sala — qui était devenu bahá’í en décembre 1927[3] — pour déterminer s’il serait possible de former un groupe de jeunes pour approfondir leurs connaissances sur la foi bahá’íe et attirer d’autres jeunes à la nouvelle religion.

Le groupe définit une nouvelle phase pour toute la communauté, au cours de laquelle elle a cherché à créer des liens avec des organisations animées d’idées similaires, en espérant intéresser leurs membres les plus actifs à la foi bahá’íe. À ses réunions, le groupe de jeunes bahá’ís en est venu à croire que sa responsabilité était de faire un lien entre les événements de l’actualité mondiale et la direction contenue dans les enseignements bahá’ís. Plutôt que de suivre les traces des bahá’ís d’avant 1912, qui considéraient que leur mission était d’élucider les enseignements chrétiens d’une perspective bahá’íe, les membres du groupe de jeunes fixaient résolument leur regard sur les exigences de l’avenir, tel qu’imaginé par Shoghi Effendi. Dorothy Wade a décrit la réponse de la communauté de Montréal à ce nouveau et tout à fait unique groupe qui s’était formé dans leur ville :

Les Maxwells ont, bien entendu donné le très merveilleux exemple de belles réunions, et les groupes de jeunes ont été créés par Emeric et Rowland, je crois. Et soudainement nous nous sommes retrouvés avec une cinquantaine de personnes. Des gens de tous horizons, et bien des communistes qui argumentaient. Les bahá’ís n’argumentent pas. Ils pensaient que nous avancions trop lentement, que rien n’allait se produire sans l’usage de la force. Et tous ces jeunes revenaient et continuaient de revenir, jusqu’à ce que bon nombre d’entre eux sont devenus bahá’ís[4]. [traduction]

En 1929, la première personne à accepter la foi bahá’íe par cette nouvelle approche en moins d’un an était Rosemary Gillies, une jeune femme écossaise de famille presbytérienne. Il y a eu une certaine hésitation à l’inviter à se joindre à la communauté :

Rosemary Sala (née Gillis) peu de temps après avoir déclaré sa foi en Bahá’u’lláh. Photo: contribué par Ilona Weinstein.

Ni Emeric ni moi [Rowland Estall] n’avions d’expérience à inscrire une personne à la communauté bahá’íe, mais un jour, alors que nous discutions cette question ensemble, nous avons décidé qu’il était grand temps de donner à Rosemary la chance de déclarer sa foi. Nous ne savions pas exactement quelle allait être sa réaction, et comme ni l’un ni l’autre ne voulait être celui qui allait exécuter cette tâche délicate, nous avons tiré à pile ou face. C’est moi qui ai gagné. J’ai donc invité Rosemary à devenir bahá’íe. Elle a répondu en disant qu’elle se demandait ce qui nous avait pris si longtemps[5]. [traduction]

Pour ces jeunes, être bahá’í, était l’essentiel de leur identité, et cela a joué un rôle décisif dans leur avenir. Rowland Estall, par exemple, est devenu un des enseignants de la foi bahá’íe les plus compétents au Canada. Après avoir abandonné l’université, il a été embauché par la compagnie d’assurance Sun Life, se spécialisant dans les nouveaux domaines de l’assurance de groupes, des pensions, et des avantages du personnel. Il a marié ses croyances bahá’íes et ses objectifs professionnels par la promotion de plans de partage de profits, de sécurité et d’avantages des employés, de mesures de protection des employés contre les difficultés financières causées par la mort, l’invalidité et la vieillesse. Son poste dans l’entreprise lui a permis de se relocaliser à Vancouver et à Winnipeg, où les communautés bahá’íes étaient toutes nouvelles ou non existantes. En se servant des mêmes méthodes d’enseignement que lorsqu’il faisait partie du groupe de jeunes, il a obtenu d’excellents résultats dans ses efforts pour trouver des organisations compatibles et pour encourager leurs dirigeants et leurs membres les plus actifs à se joindre à la communauté bahá’íe.

Pendant la période qu’elle a passée à Montréal, Rosemary Gillis a organisé des classes d’enfants qui avaient lieu tous les samedis après-midi. En 1934, elle a épousé Emeric Sala et après leur déménagement à Saint-Lambert (Québec), elle a continué à enseigner aux enfants, et est ainsi devenue une des premières éducatrices d’enfants bahá’íes. Elle a aussi travaillé à l’établissement et à la préservation des archives de la communauté bahá’íe du Canada. En 1939, M. et Mme Sala sont partis comme pionniers pour le Venezuela, contribuant ainsi à ouvrir la communauté bahá’íe du Canada sur le monde. Après leur départ pour le Venezuela, le groupe de jeunes de Montréal s’est graduellement dissolu. Plusieurs de ses membres ont entrepris des voyages d’enseignement de la Cause à travers le Canada et à l’étranger.

Les expériences variées des amis quand ils se sont joints à la communauté bahá’íe, la diversité des cultures et des mentalités qu’ils représentaient, ont préparé la communauté bahá’íe à évoluer continuellement du point de vue de son mode de vie bahá’íe, guidée par ’Abdu’l-Bahá, Shoghi Effendi et aujourd’hui par la Maison universelle de justice. Il est encourageant de savoir que, à la fin des années 1920, alors que l’idée d’une communauté bahá’íe commençait à peine à prendre forme, les membres du groupe de jeunes de Montréal sont parvenus à se libérer de l’emprise des normes de la société et à se concentrer de tout cœur sur les besoins de la Foi : ils ont travaillé résolument pour atteindre des gens à l’extérieur de la communauté bahá’íe, ils ont révolutionné le travail d’enseignement et ont obtenu une réponse enthousiaste. S’il est vrai que le travail qui se fait maintenant est différent de celui qui a été accompli à cette époque par le groupe de jeunes de Montréal, le même esprit et la même détermination dont ils ont fait preuve, en raison de leur profond amour pour la Foi, brille dans le visage des travailleurs d’aujourd’hui.

– Will C. van den Hoonaard. Nous remercions aussi Ilona Weinstein qui a contribué à cet article.

[1] L’âge de ces jeunes ne correspond pas à la définition que nous utilisons aujourd’hui, qui inclut les préadolescents et les adolescents. Le groupe incluait plutôt des personnes qui avaient au moins vingt ans.

[2] Violette Nakhjavani et Bahiyyih Nakhjavani, The Maxwells of Montreal: Vol 2: Middle Years 1923-1937, Late Years 1937-1952, 2016, Oxford, UK, George Ronald.

[3] Ilona Weinstein (2016). Tending the Garden: A Biography of Emeric & Rosemary Sala. Essex, MD: One Voice Press.

[4] Tiré d’entrevues publiées dans : Will van den Hoonaard, The Origins of the Bahá’í Community of Canada, Waterloo,  Wilfrid Laurier University Press, 1996.

[5] Ibid.

 

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